MIchel Würthle : le cinéma de la vie

compose de Fabrice Hergott

texte (fr./all./ang.) par Fabrice Hergott
120 p avec 104 illustrations n/b et 16 en couleur
format 25 x 18 cm, broché

ISBN 978-3-86442-270-6
 

20,00 €

Hollywood Big Shots

Michel Würthle a fondé en 1972 le restaurant EXIL à Kreuzberg avec ses amis Ingrid et Oswald Wiener. Par je ne sais quelle aptitude, peut-être tout simplement parce qu’il fréquentait les artistes et les respectait, l’EXIL était rapidement devenu le lieu le plus important de la scène berlinoise. C’est là, au bord du canal, que se retrouvaient artistes, acteurs et metteurs en scène, allemands et étrangers sans que l’on ne leur demande leur passeport. C’est là que s’accomplit cette mutation qui vit une scène locale, presque provinciale, devenir internationale au point de devenir l’une des plus intéressantes et vivantes qui soit et de permettre à Berlin de retrouver sa réputation de ville cosmopolite pour noctambules, ouverte à tous.
Son cercle d’artistes, devenus pour la plupart des amis, était composé entreautres de Joseph Beuys, Dieter Roth, Günter Brus, Walter Pichler, Richard Hamilton, Eduardo Paolozzi, Georg Baselitz, Markus Lüpertz, Maria Lassnig ou Martin Kippenberger* pour ne parler que de ceux que j’ai vu apparaître dans les dessins que j’ai pu voir parmi les centaines qu’il a réalisés en plus de 25 ans. Une fréquentation professionnelle en quelque sorte parce qu’il ne se contentait pas de boire un verre avec eux ou de les accompagner à diner. Il lui revenait de gérer l’endroit et vérifier que tout se passait bien, de combiner le fonctionnement commercial et la qualité de l’atmosphère que l’on venait y chercher et, je crois, y trouver comme dans aucun autre lieu. Il faut se rappeler que les métiers de bouche sont parmi les plus éprouvants qui soient, de vrais métiers de chien. Mais cela ne l’a pas empêché d’observer et d’être saisi par la grâce de cette clientèle hors norme venue retrouver à l’EXIL sa paradoxale terre promise.
Rapidement les affaires prospèrent. En 1978, il vend l’EXIL pour acheter avec Reinald Nohal le PARIS BAR, plus central, qui devient immédiatement le lieu mythique qu’il est toujours. La personnalité de Michel Würthle agit comme un aimant. Les meilleurs artistes, comme avant, continuent d’échanger boissons et repas contre des oeuvres qui viennent orner la salle du sol au plafond. On vient aussi là pour voir cette nouvelle caverne d’Ali Baba, admirer ce café qui reprend le principe de la Colombe d’Or de Saint-Paul de Vence ou de la Kronenhalle de Zürich avec la dérision et l’autodérision du vaste mouvement punk qui a submergé la planète mais qui ne se retirera jamais complètement du PARIS BAR. Cette persévérance est une énigme. On la doit à la personnalité de Michel Würthle. C’est qu’il n’est pas seulement un professionnel jusqu’au bout des ongles, il est aussi, caché sous une pudeur et un sourire sincèrement gêné, un artiste.

Exposition :
CFA Contemporary Fine Arts, Berlin, 8 – 22/9/2018