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Cuny Janssen : Whatever Works
Photographie et text (ang.) de Cuny Janssen
72 p avec 54 illustrations en couleur
format 21 x 17 cm, reliure lin mélangé
ISBN 978-3-86442-331-4
Mon yoyage en Inde il y a 20 ans
Il y a vingt ans, j’ai commencé à photographier des enfants dans le monde entier. Mon premier voyage m’a menée dans le Sud de l’Inde. J’ai d’abord vécu dans un centre pour femmes tenu par l’église dans la ville de Chennai, dans la province du Tamil Nadu, l’ancien état de Madras, puis à Mugaiyur, un petit village. Pendant six mois, j’y ai fait des photos et réalisé des entretiens avec ses habitantes et les membres des familles qui m’avaient accueillie. Je n’étais pas la seule à me poser de nombreuses questions, elles en avaient elles aussi. Outre celle des enfants, il s’agissait toujours d’amour. « C’est vrai qu’il n’y a pas de mariages arrangés dans votre pays ? » m’ont ainsi demandé bon nombre d’entre elles avec surprise, car j’ai surtout parlé à des femmes jeunes qui, comme moi, n’étaient pas encore mariées. Et lorsqu’à mon tour je leur ai demandé ce qu’elles pensaient d’épouser un inconnu, elles ont souvent répondu : « Je suis prête, qu’il vienne. Lorsque le verre est vide, nous le remplissons, lorsqu’il est sale, nous le nettoyons. » Tout ce qu’elles disaient comme tout ce que j’ai vu autour de moi m’a surprise, a nourri des doutes, mais aussi forcé mon admiration face à leur courage et à leur foi. Leurs mariages arrangés étaient pour moi un mystère, mais ils me fascinaient aussi. L’une des possibilités que j’ai trouvées de mieux les comprendre passait par les portraits que j’ai réalisés. C’est seulement vingt ans plus tard, lorsque je regarde de nouveau ces portraits de couples indiens après avoir été moi-même confrontée pendant 16 ans aux défis de la vie conjugale, que leur contexte me devient plus familier. La société indienne change très rapidement et la jeune génération grandit aujourd’hui écartelée entre les deux extrêmes d’un monde connecté et de la tradition de leurs grands-parents. Si l’on écoutait les jeunes, la tradition indienne devrait faire place le plus rapidement possible aux idéaux de vie et d’amour occidentaux. Mais quels sont véritablement ces idéaux ? Le mariage de mon frère vient de se solder par un divorce au bout de 25 ans — un choc pour toutes les personnes concernées. Mes filles grandissent à Amsterdam, leur génération considère comme parfaitement normal d’avoir des parents divorcés ou séparés et des structures familiales complexes. Au vu de la place qu’occupent dans les journaux et magazines les questions de l’amour et de la relation amoureuse, il est évident qu’il reste encore beaucoup à dire sur le sujet — sans parler de la difficulté à faire comprendre aujourd’hui à ses filles la question LGBT. J’ai appris par des discussions, des lectures et mon expérience personnelle que toute relation exige beaucoup de travail et de compréhension et que toute relation, quel que soit son type, est en fin de compte arrangée ou le devient. Je pense que l’amour comme la vie ont beaucoup en commun avec le jardinage, il reste difficile d’imposer la moindre règle mais le temps, l’omission et les hasards produisent souvent une beauté totalement inattendue. L’astuce consiste simplement à savoir reconnaître la beauté telle qu’elle se montre et à en tirer le maximum.
Cuny Janssen